
À 38 ans, Damien Steel est directeur général de l’un des principaux fonds de capital-risque du Canada, OMERS Ventures.
En charge des investissements dans la technologie, les médias et la télécommunication (TMT), Steel a fait de l’investissement dans de toutes nouvelles start-ups sa spécialité.
Mais il est aussi un passionné de poker, une passion dans laquelle il s’est replongé récemment grâce à sa femme.
Alors comment se recoupent ses deux spécialités ?
Steel a récemment écrit un article pour expliquer pourquoi tous les entrepreneurs devraient jouer au poker. Nous avons pu le rencontrer au PokerStars Championship des Bahamas pour en savoir plus.
(Steel a atteint le Jour 4 du Main Event pour finalement terminer 21è pour 24 640 $, NDLR)
Présente-nous un peu ton travail.
Mon travail consiste en grande partie à trouver des entrepreneurs et des entreprises en lesquelles je crois et à investir chez eux, mais aussi à participer à leur conseil d’administration pour faire grandir leur entreprise et, finalement, la vendre.
Est-ce que tu conseilles à tes employés de jouer au poker ?
Pas forcément à mes employés, mais je suis de nombreux entrepreneurs qui ont soif d’informations et qui essayent de lancer leur entreprise.
Ces 20 dernières années, j’ai compris qu’il y avait énormément de similitudes entre le poker et le monde des affaires.
Dans le poker, il faut prendre les bonnes décisions avec des informations très limitées. C’est quasiment pareil quand on crée son entreprise.
On se lance dans quelque chose de nouveau, de très risqué, et on prend des décisions cruciales avec des informations très partielles.
Le poker est un bon moyen d’acquérir certaines compétences de savoir-être qui sont utiles au quotidien quand on crée son entreprise.
Et toi, tu joues depuis longtemps ?
J’ai commencé à jouer il y a 15 ans, avant le boum Moneymaker, puis je m’y suis encore un peu plus investi après le boum.
Après mon mariage il y a 5 ans, j’ai pris du recul pour me consacrer à d’autres choses. L’année dernière, plusieurs événements malheureux m’ont poussé à réfléchir.
Et un jour, ma femme m’a dit : « Tu devrais jouer plus au poker si c’est une vraie passion. »
Ta femme t’a dit ça ? C’est rare dans le poker.
Je sais. Je suis probablement le mec le plus chanceux du monde. Et donc me voilà. Dès que je repère un tournoi qui m’intéresse dans un endroit sympa, j’y vais.
Il n’y a rien de mieux que de pouvoir profiter de ma passion à une table pleine de joueurs venus du monde entier.
Tu t’impliques dans beaucoup de mains.
S’il y a bien quelque chose qui caractérise les jeunes entrepreneurs, et moi aussi, c’est l’impatience. Mais ce que je fais aussi, c’est que pendant les 90 premières minutes de jeu, j’essaye de recueillir le plus d’informations possible sur mes adversaires.
D’un point de vue technique, je ne suis peut-être pas le meilleur joueur du monde, et je suis sûr que tous les génies des maths du poker diraient que je fais souvent des choses incorrectes de ce point de vue là, mais j’aime parler aux gens pour comprendre ce qu’ils font et qui ils sont.
Dans ma vie professionnelle, je n’ai pas beaucoup de temps pour évaluer les gens en face de moi. En un mois, je dois décider s’ils ont ce qu’il faut pour devenir un bon entrepreneur avant d’investir ou non.
Au poker, c’est pareil. Il faut déterminer qui est bon et le style de chaque joueur très rapidement.
S’il y a une chose que je dois reprocher au poker d’aujourd’hui, c’est que l’aspect social a presque disparu. L'autre jour, c’était la première fois depuis longtemps que j’étais à une table où personne n’écoutait de musique.
Il y avait quelques pros à la table, comme Ryan Reiss, qui est probablement l’un des joueurs pros les plus sympas que j’aie croisés. Son rôle d’ambassadeur lui tient vraiment à cœur et il fait tout pour rendre le poker plus amusant.
J’en ai discuté avec lui : si j’étais pro et que je gagnais ma vie grâce au poker, je ferais tout pour que les amateurs passent un bon moment. Sinon ils arrêtent de jouer et l’argent ne fait que circuler, sans injection.
Évidemment il s’agit de gagner sa vie, mais autant que ce soit sympa pour tout le monde.
Est-ce que tu arrives à évaluer les compétences poker des gens que tu rencontres au travail ?
C’est une question de savoir-être. Il ne faut pas avoir peur de prendre des risques, mais il est essentiel que ce soit des risques calculés. Il faut faire la différence entre des risques inconsidérés et savoir recueillir des informations pour prendre des risques calculés.
Comme la différence entre un bluff très élaboré et une simple mise ?
Exactement. Et puis il faut aussi être toujours stratégique, calculer tous les résultats possibles et la réaction à chacun d’entre eux.

En tant qu’entrepreneurs, on ne peut pas contrôler grand-chose dans une entreprise, sur le marché, la concurrence, etc. Tout ce qu’on peut faire, c’est faire de son mieux et savoir réagir à tous ces éléments extérieurs. C’est la même chose dans le poker.
Ce qui est très important aussi pour les entrepreneurs de start-ups, c’est d’avoir un produit adapté au marché avant que j’investisse. Vous pouvez avoir la technologie la plus cool du monde, si personne n’est prêt à l’acheter, alors je ne vais pas investir.
C’est là qu’on explique aux entrepreneurs qu’il faut bluffer. Inventer le produit jusqu’à ce que quelqu’un soit prêt à l’acheter. Il faut bluffer le marché.
Imaginons que vous ayez créé un élément de logiciel qui permet de chercher des clients automatiquement, mais que le logiciel n’existe pas encore.
Payez des jeunes pour écumer Internet à la recherche d’entreprises prêtes à payer pour ce produit, tout en l’élaborant en parallèle.
Ce n’est pas un plan à long terme, mais à court terme ça suffit pour créer la demande avant d’avoir l’argent.
Estimes-tu que le poker devrait faire partie intégrante de la formation des jeunes entrepreneurs ?
Je n’en sais rien. Les jeunes entrepreneurs subissent une pression énorme. Tout ce qui peut leur permettre de l’évacuer est une bonne chose, surtout si cela permet de développer certaines compétences.
Mais le poker est déjà extrêmement populaire. L’année dernière, nous avons organisé deux tournois caritatifs à Toronto, limités à 100 places par tournoi. Mais nous aurions facilement pu vendre au moins 300 places. Les entrepreneurs adorent déjà le poker.
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