Pour commencer, quelles sont tes impressions sur ce tournoi ? Tu passes un bon moment à Venise... sous la neige ?
Oui, je me sens plutôt bien. J'aimerais bien qu'il y ait un peu plus de joueurs, mais j'imagine qu'ils arriveront demain... (Interview réalisée lors du Day 1A NDLR)
J'aime toujours venir jouer ici, c'est un endroit magnifique, et c'est toujours amusant de venir jouer en Italie.
Tu représentes tellement le poker qu'on a vraiment du mal à t'imaginer faire autre chose. Pourtant, j'ai découvert qu'il y a quelques dizaines d'années tu te destinais à quelque chose de très différent. Est-ce vrai que tu t'étais engagé dans l'armée ?
Tout à fait. C'est vrai.
Donc si les choses s'étaient passées différemment, on ne t'aurait peut-être jamais vu jouer au poker ?
Oui, certainement. Je peux même te dire que j'étais vraiment à deux doigts de faire une carrière militaire, j'aimais vraiment ça.
Quand j'étais jeune, je faisais de la gymnastique, et après l'université, je ne savais vraiment pas quoi faire. J'avais toujours eu envie de faire du parachutisme, donc j'ai rejoint l'armée pour devenir parachutiste, et j'adorais ça. Je m'éclatais.
D'accord, mais tout de même, parachute ou pas, c'était une époque un peu délicate, non ?
Oh oui, c'était pendant la guerre du Vietnam. Mais quand tu es jeune, tu ne penses pas à ce genre de trucs, tu veux juste faire quelque chose.
Avec le recul, je me rends compte que j'ai eu de la chance. La division dans laquelle je suis tombé revenais juste du Vietnam pour la deuxième fois, donc je n'ai jamais eu à y aller moi-même.
Si j'avais dû faire la guerre ou si les choses s'étaient passées différemment, j'aurais certainement eu une toute autre vie.
Et avec ce recul justement, est-ce que tu le referais ?
En fait, oui. Oui, je le referais.
J'en garde des bons souvenirs. Je pense qu'un service militaire de deux ans devrait être obligatoire. Que ce soit dans les cuisines, au ménage ou sur le terrain, tout le monde devrait servir le pays. C'est vraiment quelque chose qui me tient à cœur.
Au cours de la dernière campagne électorale américaine, tu t'es prononcé en faveur des Républicains. Mon problème, si tant est que ce soit un problème, c'est que Sheldon Adelson est l'un des soutiens financiers les plus importants du Parti Républicain et que son opinion sur le poker en ligne est pour le moins... disons "tranchée". Comment concilier cela avec tes opinions ?
Voilà comment je vois les choses : ça fait cinq ans que les Démocrates sont au pouvoir et qu'ils n'ont absolument rien fait au niveau du poker en ligne. À mon avis, aucun politicien n'a envie de se mouiller.
Ils ont peur que des groupes religieux, ou n'importe quel autre groupe, commencent à dire que « c'est pas bon pour la famille, blablabla ». Donc ils ont peur de faire quoi que ce soit.
Mais moi, ce qui m'embête, que tu sois contre les jeux d'argent ou pas, que tu sois contre le poker en ligne ou pas, là, c'est que c'est une question de liberté.
Chacun doit pouvoir faire un choix. Alors bien sûr, si on légalise les jeux sur internet, certains perdront trop d'argent et s'attireront des ennuis. Mais la réalité, c'est qu'ils peuvent déjà faire ça.
Ah bon ?
Oui. Ils peuvent aller au casino et finir sur la paille. Ils peuvent aller au champ de courses et finir sur la paille. Ils peuvent jouer au loto et finir sur la paille.
Il faut aussi que les gens assument les conséquences de leurs actions.
Et donc, quelle est la morale de l'histoire ?
Qu'ils soient contre les jeux d'argent, pas de problème. Mais dans ce cas-là, qu'on interdise le poker, mais aussi la loterie, les courses et les casinos. Tous ces trucs-là.
Décréter que tu peux jouer au poker dans un casino la journée mais pas chez toi le soir, ça n'a aucun sens. C'est n'importe quoi.
Ceci dit, la situation semble être en train d'évoluer maintenant que certains états ont légalisé le poker en ligne.
Oui, tout à fait. Je pense que d'ici un ou deux ans, une vingtaine d'états l'auront autorisé. C'est inéluctable, je pense. Juste une question de temps.
Tu es un spécialiste du "poker européen". Tu as beaucoup voyagé en Europe, et on se souvient pour certains de tes anecdotes croustillantes comme lorsque, à l'époque, tu étais allé à l'hôtel Crillion à Paris alors que tu n'avais pas un sou. À ton avis, quelles sont les différences entre la vision européenne du poker et celle des américains ?
Honnêtement, il n'y a plus vraiment de différence. Avant, les Américains étaient persuadés d'être les meilleurs joueurs du monde, en partie parce qu'on a plus ou moins « inventé » le poker. Mais c'est fini.
Maintenant, dans n'importe quel pays, il y a de très grands joueurs, des mecs intelligents qui se lancent. Ils apprennent très vite, jouent des millions de mains sur Internet, et deviennent très rapidement redoutables. Ils comprennent très vite le jeu agressif et son utilité, ils sont vraiment très malins.
À mon époque, les mecs qui se mettaient au poker étaient très différents. C'était des mecs comme Amarillo Slim ou Puggy Pearson.
Maintenant, les jeunes joueurs ont des diplômes universitaires, qui regardent le poker à la télé depuis des années et ont vu d'autres gamins s'en mettre plein les poches.
Ils potassent tous les aspects du jeu, ils apprennent vite et ils sont malins. Il y a tellement plus de bons joueurs qu'il y a dix ou quinze ans.
Tu trouves que le poker a vraiment beaucoup changé ces 20 dernières années ?
Disons que j'étais déjà sur le circuit 15 ans avant que le poker ne soit télévisé, et à cette époque-là, il y avait peut-être 20 très bons joueurs, 40 maximum.
Maintenant, il y en a des milliers, sans exagérer. C'est vraiment pas simple.
Honnêtement, si j'avais un conseil à donner à quelqu'un qui envisage de jouer au poker pour gagner sa vie, c'est qu'il a plutôt intérêt à s'assurer qu'il a le talent, l'intelligence et la bankroll pour gérer les hauts et les bas qui arrivent sur le circuit. Sinon, ce n'est pas la peine.
Donc si j'ai bien compris, le circuit poker n'est plus une vie de rêve ?
Disons que si tu veux devenir joueur de poker, surtout en tournois, il faut être vraiment très solide mentalement. Il faut gérer les victoires, les bad beats, tout ça. Même quand tu finis 4ème, tu es déçu parce que tu avais une chance de gagner. C'est vraiment difficile de gérer tout ça mentalement.
Quand tu joues des cash games et que tu voyages moins, c'est un peu différent. Tu joues toujours dans les mêmes limites, souvent avec les mêmes personnes, il y a des chances que ta bankroll augmente de manière assez régulière.
Ce qui fait la beauté des tournois de poker, c'est que tout le monde veut toucher le gros lot. Ça a vraiment un côté loto, et c'est ce que les gens aiment. Tout le monde a envie de frapper un gros coup, et je le comprends, j'étais dans cet état d'esprit pendant des années.
Mais voilà, c'est devenu très éprouvant mentalement, donc je ne suis pas sûr que je recommanderais à quiconque de se lancer, surtout avec tous ces super joueurs. Honnêtement, le circuit du poker aujourd'hui, c'est comme le PGA au golf : il faut être tellement bon pour y arriver que c'est vraiment compliqué. Je vous le dit, c'est dur.
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