
En résumé, Little s’est petit à petit bâti un véritable petit empire à une époque où gagner de l’argent dans le poker devient de plus en plus difficile.
Nous l'avons rencontré lors de l’EPT Deauville pour évoquer avec lui sa longévité, la théorie du jeu et l’intérêt de suivre les conseils de Phil Hellmuth.
Après une décennie à évoluer dans le milieu du poker professionnel, comment arrives-tu à garder ta motivation intacte ?
Elle n’a pas toujours été intacte. Parfois elle en était même très loin.
Le fait d’enseigner le poker aux gens m’a permis de comprendre qu’il y a toujours quelque chose à apprendre. Et puis ça permet de conserver le côté ludique du poker.
Si tu passes ton temps à jouer devant ton écran tout seul chez toi, tu finis forcément par te lasser.
Un certain nombre de joueurs ont été “cramés” très rapidement dans leurs carrières. Mike McDonald, pour ne citer que lui, n’avait même pas encore l’âge de pouvoir entrer dans un casino aux États-Unis lorsqu’il a pris sa “retraite”.
Exactement. Ces joueurs-là jouent autant qu’ils le peuvent jusqu’à l’écoeurement.
Moi, j’ai trouvé un mode de vie qui me convient : je joue des tournois live environ deux semaines par mois, puis je suis chez moi pendant deux semaines. Mais je joue assez peu pendant ce temps-là.
Le fait de prendre un peu de recul permet de conserver l’envie de jouer. Du coup je fais exactement ce que j’ai envie de faire.
Beaucoup disent aussi que le poker est devenu trop difficile. Tu es d’accord ?
C’est devenu trop difficile pour certaines personnes. Ça a toujours été trop difficile pour certaines personnes.
Comme dans tous les jeux basés sur les compétences, les gens s’améliorent avec le temps. Il faut simplement s’assurer qu’on est toujours capable de gagner de l’argent.
Il y a une dizaine d’années, peut-être que 20% des joueurs pouvaient gagner de l’argent. Aujourd’hui, c’est probablement plus de l’ordre de 5%.
Tant que tu fais partie de ces 5%, il n’y a pas de problème.
Tu écris beaucoup, tu coaches et tu fais des vidéos. D’où te vient ce besoin d’apprendre et de partager ?
Je ne sais pas. Je me rends compte qu’en faisant ça on apprend beaucoup aussi. Je ne pense pas avoir de talent naturel pour le poker. Je pense même que j’étais naturellement plutôt mauvais au poker.
Donc j’ai travaillé. Et comme j’avais l’impression que beaucoup des ressources disponibles n’étaient pas si bonnes que cela, j’ai décidé de rassembler les bonnes pour les joueurs suivants, histoire de leur faciliter la tâche.
Certains coachs admettent qu’ils ne donnent pas tous leurs “trucs” à leurs élèves. Et toi ?
Je suis très honnête. De toute façon, une fois un certain niveau atteint, il devient difficile d’enseigner quoi que ce soit. A ce niveau-là, le poker devient vraiment un jeu d’instinct, tout en essayant d’appliquer la théorie de manière optimale.
Si tu arrives à faire, tu t’en sortiras toujours. La plupart des joueurs de que je coache s’en sortent plutôt bien avec des mises moyennes, mais s’ils veulent tenter leur chance au-dessus, pourquoi pas !
Est-ce vraiment possible pour un humain de jouer de manière optimale ?
Avec un petit tapis, définitivement. C’est plus difficile sinon. Certains joueurs croient savoir ce qu’ils font, mais seule une poignée d’entre eux sont vraiment proches de la perfection.
Que penses-tu du nouveau logiciel imbattable Cepheus ?
Je n’en pense pas grand chose. Cela ne concerne que les heads-up en Limit Hold’Em, ce qui n’est pas un jeu très compliqué.
C’est normal que ça ait été résolu, comme les échecs ou les dames.
Le poker avec limites est mort depuis un certain temps déjà. Alors peu importe qu’on ait résolu un jeu auquel plus personne ne joue.
Le No-Limit Hold’Em est beaucoup plus compliqué puisqu’on peut choisir sa mise. Ca change complètement le jeu.
Tu fais partie des rares joueurs à dire du bien du jeu de Phil Hellmuth. Pourquoi autant de gens pensent qu’il est nul alors qu’il a plus de bracelets que n’importe qui ?
Son jeu est loin d’être classique. Mais à un moment, il faut savoir reconnaître que si quelqu’un a autant de succès pendant aussi longtemps, ce n’est pas sans raison.
Bien sûr qu’il commet des erreurs, mais il fait aussi beaucoup de bonnes choses.
Dans le poker live, si tu es capable de savoir quand ton adversaire bluffe, ça perturbe totalement son jeu.
Peu importe le jeu “classique” si tu sais que ton adversaire n’a rien ou pas grand chose.
Aujourd’hui, je me suis couché avec QJ et une top paire avec un valet au flop. Tout ça parce que j’ai cru qu’ils avaient de meilleures mains que moi.
Je ne savais pas si c’était mieux que QJ, mais je savais qu’ils étaient sûrs d’eux. Donc je me suis couché pour ne pas perdre d’argent.
Au final, l’un avait un carré et l’autre une meilleure paire. Mais d’après la théorie, on ne devrait pas se coucher avec une telle main, elle est trop forte.
Recommanderais-tu aux jeunes de se lancer dans le poker ?
Non, c’est très difficile de se lancer si on est pas déjà très bon. Je ne recommanderais pas non plus les échecs, exactement pour les mêmes raisons.
Les meilleurs joueurs du monde seront toujours beaucoup trop bons.
Quel est ton prochain projet ?
Jonathan Little on Live No Limit Cash Games Volume 2 va bientôt sortir !
> A lire aussi sur Jonathan Little :
Visiter fr.pokerlistings.com